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Le bien-être émotionnel des enfants constitue une priorité essentielle pour de nombreux parents, car il influence profondément leur épanouissement global ainsi que leur aptitude à relever les défis de la vie. Dans le souci d’offrir un environnement chaleureux, sécurisant et structuré, indispensable à leur développement, un nombre croissant de parents adoptent la maïeusthésie et la communication non-violente (CNV). Ces approches novatrices privilégient l’écoute attentive, la compréhension et le respect mutuel, créant ainsi les bases d’un équilibre émotionnel durable.

La maïeusthésie : l’Autre compte davantage que les informations

Développée par Thierry Tournebise, la maïeusthésie est souvent reconnue comme une approche thérapeutique. Cependant, elle se distingue également comme une approche novatrice de communication, mettant l’accent sur l’attention portée à l’être – ou aux êtres – présents avec nous, plutôt que sur les simples informations échangées.

Lorsque nous privilégions les informations (ce que l’autre exprime et comment il l’exprime), nous risquons de perdre la connexion réelle avec lui ou elle, ouvrant la porte aux réactions, aux jugements ou encore aux interprétations. En replaçant l’attention sur la personne en face de nous, la maïeusthésie favorise une communication authentique et profonde. C’est seulement en reconnaissant véritablement l’Autre dans son essence que nous pouvons entrer en contact avec lui ou elle, dans l’ouverture et la réjouissance d’une véritable rencontre d’être à être.

La CNV : une communication basée sur les besoins fondamentaux

La Communication Non Violente (CNV), élaborée par Marshall Rosenberg, dépasse le simple cadre des interactions : elle permet de poser un regard fondamentalement nouveau sur la vie en général. En facilitant une connexion profonde aux ressentis et aux besoins fondamentaux de chacun-e, elle ouvre la voie à des relations authentiques où chaque individu peut pleinement s’exprimer et trouver sa place.

La CNV nous encourage à abandonner le mode exclusif – ‘c’est moi OU l’autre qui a raison’, ou encore ‘ce sont mes besoins OU les tiens qui priment’ – au profit d’une approche inclusive, où chacun trouve l’espace nécessaire pour s’exprimer et être entendu. Par exemple, cela peut se traduire par : ‘Je ressens cette émotion parce que telle chose est importante pour moi, et toi, tu ressens cette émotion parce que telle chose est importante pour toi. Est-ce bien cela ?’ En célébrant cette richesse intérieure, la CNV établit les bases d’une communication authentique, libératrice et respectueuse de l’autre.

Et en pratique avec les enfants ?

La maïeusthésie, en invitant à privilégier l’être plutôt que l’information, brille par sa simplicité. Porter son attention sur qui est votre enfant, plutôt que sur ce qu’il dit ou la manière dont il le dit, c’est un peu comme ajuster la fréquence d’une radio. Tant que ça grésille, c’est que nous ne sommes pas encore en phase. Les mots échangés embrouillent souvent notre jugement (‘T’es trop fort-e !’, ‘J’t’aime plus, t’es pas gentil-le !’), et les émotions prennent le dessus, qu’elles soient plaisantes ou déplaisantes. Bref, au niveau de l’information, tout devient rapidement confus.

Cependant, lorsque le bon réglage est trouvé, la connexion se fait instantanément. Rien n’a besoin d’être forcé, il suffit de trouver le bon canal. C’est comme si, soudainement, un être entier se révélait devant vous dans toute sa lumière. Ce n’est plus seulement un ‘enfant’, mais un être unique et singulier. Bien sûr, un être qui n’a que quelques années au compteur et qui a encore besoin de guidance, mais vous voyez où je veux en venir. Depuis cet état, lorsqu’un enfant vous regarde avec colère et dit : ‘J’t’aime plus, t’es pas gentil-le !’, vous le percevez au-delà des mots et de son émotion. Il devient alors naturel de répondre avec bienveillance : ‘Je vois à quel point tu es en colère !’. Par exemple.

La Communication Non Violente (CNV) mène au même résultat, mais avec une méthode plus structurée. Pendant la phase d’apprentissage, le maître mot, c’est OSBD : Observation, Sentiment, Besoin, Demande. Voici comment l’appliquer :

  1. Observation : Décrire les faits de manière objective, sans jugement. Par exemple, au lieu de dire ‘Tu n’écoutes jamais !’, dire ‘Il est l’heure de s’habiller pour l’école.’
  2. Sentiment : Mettre des mots sur les ressentis. Par exemple, ‘Tu es très en colère.’
  3. Besoin : Identifier et verbaliser ce qui est important pour l’enfant. Par exemple, ‘Pour toi, jouer c’est très important !’
  4. Demande : Formuler une demande claire, qui pourrait être une invitation à échanger. Par exemple : ‘Est-ce que c’est bien ça ?’

Attention toutefois : si OSBD est un outil précieux pendant l’apprentissage de la CNV, il est déconseillé de l’utiliser ‘brut’ dans des situations émotionnellement chargées, surtout avec vos proches. Recentrez-vous sur l’être plutôt que sur l’information. Validez une émotion ici, un besoin là. Réservez votre pratique formelle de l’OSBD à des ateliers de CNV, des groupes de pratique, ou à des moments calmes avec des personnes à qui vous aurez expliqué que vous expérimentez une nouvelle manière de communiquer. Un jour, vous réaliserez qu’OSBD n’était que des béquilles, et vous danserez en CNV sans même y penser.

Comment poser ses limites, dans tout cela ?

Si la qualité de communication que permettent la maïeusthésie et la CNV favorise de véritables rencontres, cela ne signifie pas pour autant que toutes les envies des plus jeunes seront exaucées. Permettre à chacun de s’exprimer et d’être entendu n’empêche pas les parents de poser des limites. Bien souvent, d’ailleurs, quand ils ont été réellement entendus, l’intensité émotionnelle diminue et les enfants ont davantage d’espace pour comprendre et accepter les règles que les adultes doivent poser.

Dans notre exemple, nous avons commencé par explorer ce qui était important pour l’enfant. Ce dialogue peut inclure plusieurs allers-retours, jusqu’à ce qu’il ou elle se sente véritablement compris(e) :

« Tu es vraiment très en colère parce que, pour toi, jouer, c’est très important. Est-ce que c’est ça ?

 – Non, c’est toujours pareil ! Je n’ai jamais le temps de jouer avec toi ! C’est mon cadeau d’anniversaire et je n’peux même pas jouer avec !

 – Ah, c’est ça ! En fait, tu es vraiment très triste parce que tu attendais ce jouet depuis si longtemps et tu aurais tellement aimé en profiter davantage avant d’aller à l’école. Est-ce que c’est ça ?

– Oui… »

C’est seulement lorsque l’enfant se sent pleinement rejoint qu’il pourra entendre et accepter la limite que vous devez poser. Et parfois, il n’est même pas nécessaire de rappeler cette limite, car il ou elle la connaît déjà très bien. Sinon, vous pourrez vous exprimer en adoptant la même démarche, mais cette fois en parlant de votre propre ressenti et de ce qui est important pour vous : « Eh bien, tu vois, moi, quand je regarde l’heure qu’il est, je m’inquiète parce que c’est vraiment important pour moi que tu arrives à l’école à l’heure, afin que je puisse également arriver à mon travail à l’heure. Là, il est déjà 8h05 et il ne nous reste que 5 minutes pour sortir de la maison, alors j’ai vraiment besoin de ta coopération. Et je suis désolée, mais cette fois ce n’est pas une demande, c’est une obligation. »

Conseils aux jeunes parents

Les tout-petits, bien qu’ils ne soient pas encore capables de comprendre cognitivement ce que vous leur dites, sont extraordinairement sensibles à l’intention avec laquelle vous vous adressez à eux. Je me souviens d’un bébé de 8 jours qui, après un mouvement brusque l’ayant conduite à se frapper accidentellement l’œil, s’était mise à pleurer. L’adulte qui la tenait dans ses bras avait trouvé la scène amusante et s’était mis à rire. En posant simplement mon attention sur cet être, j’ai validé : ‘Oh, ça ne doit pas être agréable, ça, hein ?!’ Bien sûr, l’enfant n’a probablement pas compris un mot de ce que j’ai dit. Pourtant, à ma grande surprise, elle s’est instantanément arrêtée de pleurer et m’a regardée avec curiosité.

Avec des enfants un peu plus âgés, si vous souhaitez maximiser vos chances d’être entendus, commencez toujours par rejoindre votre enfant. La connexion avant la correction. Lorsque le courant ne passe pas, c’est souvent parce que nous avons oublié cette étape ou bien que nous avons tenté de l’accomplir de manière mécanique, sans réellement porter notre attention sur l’être qui se tient devant nous.

Il est important de noter que, bien qu’elle soit particulièrement efficace avec les plus jeunes, cette règle est universelle : elle s’applique à chacun, quel que soit notre âge.

En conclusion

Bien que différentes dans leurs moyens, la maïeusthésie et la CNV, lorsqu’elles sont pratiquées en famille, créent un espace où les enfants se sentent pleinement reconnus, entendus et accueillis dans toute leur singularité. Elles les aident également à développer leur capacité à prendre en compte et à rejoindre l’autre, favorisant ainsi des interactions empreintes de respect et de compréhension mutuelle.

En intégrant ces pratiques dans le quotidien, nous contribuons activement à soutenir le développement émotionnel et social des enfants, tout en établissant une communication authentique et bienveillante. Ces deux approches offrent aux enfants la possibilité de grandir dans un climat de confiance et de sécurité, indispensable à leur épanouissement et à leur équilibre global.

Isabelle Bouchette-Montigny, autrice et illustratrice du livre Cœur de Soo-Li et co-créatrice du stage ‘Osez l’Assertivité’ avec EVE, l’école Vivre Ensemble.